Ondine échouée à notre époque entre médiocrité et absurdité, ivre de rêves, noyée de solitude

Pour ce qui est de la pièce je vous incite à lire les excellentes critiques qui suivent et me contente de vous conter ce que j'ai vécu ce soir de Novembre 2008 au Lucernaire .

 

  

Maintenant réinstallée en mon village Montmartrois je puis me rendre aisément au théâtre pour aller applaudir les vieux enfants de la troupe Ajaccienne. Parmi eux, il est une petite princesse grâce à qui je réalisai un rêve d’enfant : monter Ondine de Giraudoux (Ajaccio 1999) . Mon Ondine, ma princesse : Céline Jorrion . Je la découvris donc dans le rôle de Marie, ce soir au Lucernaire . Quel bonheur de la voir s’épanouir dans sa discipline, de constater que son talent est reconnu et de l’admirer, délicieuse, magique rayonnante et tragique dans ce si beau texte . Je ne puis m’empêcher de superposer les deux personnages; si Ondine était née à notre époque sans roi, sans pêcheurs ni chevaliers, elle pourrait être la petite Marie. Moi qui me sentais si “Ondine”, je me suis reconnue dans Marie . Ecrire des histoires, créer un monde de tulles, cartons et paillettes, l’animer, s’y engouffrer toute et recommencer malgré les doutes et les difficultés, n’est ce pas un peu comme Marie, ramer sur un océan de solitude espérant terrasser le dragon ... Courez au Lucernaire votre âme vous en sera gré ... F Gatti le 14 Novembre 2008

 

 
 

> Marie a onze ans et demi et déjà elle sait qu’elle ne veut pas mourir. Et même si les personnages s’effondrent autour, elle a choisi de vivre plusieurs vies et de le faire vite. Commence alors une fuite en avant menée par un imaginaire pittoresque et une formidable envie de dévorer le monde.
> Le texte de Carole Fréchette, auteure contemporaine québécoise à qui on doit de belles histoires, raconte ici un itinéraire cahotique et rocambolesque qui dit le furieux appétit de vivre et de rêver chez son héroïne, même si les fantômes de l’enfance l’accompagnent toutes ces années.
> Avec "Les quatre morts de Marie" présenté par le Vélo Volé, François Van Han a conçu une version moderne - presque cinématographique - où domine un sentiment d’urgence que l’on retrouve dans la mise en scène : urgence des déplacements, des changements à vue qui enchainent les scènes les unes aux autres tel un montage serré de film-rythmé par une nerveuse bande son électro.
> La distribution, parfaite, est dominée par la prestation de Céline Jorrion, poustouflante de vérité. Quand elle interprète Marie enfant, on sy croirait : langage, phrasé, intonations, gestuelle…tout est là.
> Elle est tout aussi impressionnante lorsque, plus grande, elle ressent la nécessité de dire pour combler l’absence d’un père et l’abandon d’une mère, se recrer un monde fantasmagorique dans lequel on ne meurt jamais, même si cela doit passer par plusieurs vies, toutes plus rapides, pour aller au cœur des choses, brûler ce qu’on laisse derrière et s’enfuir vers un océan de tous les possibles. Malheureusement, le réel la rattrapera et réfléchira avec âpreté une intense et éprouvante solitude.
> Une pièce forte d’où point une petite nostalgie tenace de rêves d’enfant jamais réalisés.
 
Nicolas Arnstam

Marie a onze ans et demi, Elle virevolte avec sa jupe fleurie et ses souliers neufs qui brillent. Elle a du talent pour raconter les histoires, et en deux coups de cuiller à pot, elle a le don de vous faire pénétrer son univers où cohabitent Christophe Colomb et d'immenses dragons. Oui mais voilà, tout n'est pas si rose pour la petite fille qui ne cesse de crier sa soif d'amour sans que personne ne lui réponde. Sur cette douleur enfantine qui ne cicatrise pas, Carole Fréchette, a bâti un texte qui envoie une décharge d'émotions. La mise en scène de François Ha Van fait la part belle à l'onirisme qui hante la pièce. Mais c'est sur Céline Jorrion que cristallise notre attention. Elle est une Marie des plus justes et des plus émouvantes. Une fragilité maîtrisée, qui ne vire pas au trop lourd pathos. Entre rires et larmes, elle fait en permanence vaciller le spectateur et porte à bout de bras toute la beauté de l'enfance. Dimitri Denorme
 

 semaine du 18 au 24 avril 2007Pariscope

Moment de grâce

Ambiance de première au Théâtre du Lucernaire. On se hèle, on s’apostrophe. Les comédiens aujourd’hui spectateurs parlent suffisamment fort pour qu’on sache qu’eux aussi, « ils en sont ». Les chargés de communication s’ébrouent joyeusement dans la foule nombreuse. Bref, le monde du théâtre, dont je fais partie avec mon carnet de notes à la main, se joue sa petite comédie sans conséquence, celle de l’effervescence qui entoure invariablement la naissance d’une pièce. Mais, ce soir, quand le noir s’est fait dans la salle, plus de chuchotements mondains, silence absolu. Et sincère. Soudain, face à la scène, il n’est plus resté que des hommes et des femmes subjugués. Fascinés par les mots clairs et tranchants que nous adresse ce personnage nommé Marie.

Elle nous le dit à toute vitesse, comme si sa vie en dépendait : ce soir, devant nous, elle va mourir. Quatre fois. Quatre tableaux pour illustrer la lente descente d’une femme écrasée par sa solitude, qui veut croire à la vie quand la mort n’a de cesse de la rattraper. Mais attention, ici, pas de misérabilisme, de pathos, non. Le texte de Carole Fréchette nous invite simplement dans le cœur, dans la peau, dans les os d’une amoureuse de la vie, qui veut encore et toujours y trouver sa place quand tout est trop grand pour elle. L’émotion nous étreint, car Carole Fréchette touche juste. Dans le mille. Ses mots réveillent en nous des peurs enfouies, universelles. La peur de l’enfant face à l’immensité béante, face à l’abandon, face au mystère de la vie et de l’amour que les hommes peinent à se donner et désirent tant recevoir. À la fois ombre et lumière, son texte est le lieu exact de la rencontre entre instinct de vie et pulsion de mort. Telle une explosion.

Et l’explosion, c’est sur scène qu’elle a lieu. Explosion de vie avec Marie, que nous découvrons d’abord enfant. Étincelante Céline Jorrion, qui interprète une enfant de onze ans. Tout y est : le corps, la voix, l’énergie, les élans, la lumière. Surtout ça, la lumière. La lumière qui est dans le regard d’une petite fille de onze ans évoquant ses rêves avec son copain Pierrot. Cette enfant soudain devant nous, comme une évidence, et que l’on suit avec délectation, jubilation, émotion tant elle est juste, vraie, sincère. Marie se meut dans un espace coloré et aérien, vivant, fait de draps étendus et de tissus vichy, traçant une belle diagonale sur le plateau. Un espace qui contribue à cette sensation de beauté simple et fluide. Et qui semble soudain se glacer quand la petite-fille s’immobilise, comprenant que sa mère l’a abandonnée.

Il faut ici avouer que cette première scène est d’une telle force que l’on a quelques difficultés à faire le saut vers Marie adulte. On s’est tellement fait happer par cette enfant que c’est comme un deuil de la laisser. Mais l’énergie que mettent les comédiens du Vélo volé est telle que nous nous laissons à nouveau transporter. Cette énergie déployée sur scène, que ce soit dans les changements ultra-rapides de décor ou dans l’implication des corps, fait écho à la nécessité qu’a Marie de nous dire son histoire. Tous remarquables, les comédiens dessinent des personnages drôles, excessifs, qui se débattent dans la vie plus qu’ils ne la vivent réellement. Et cet acharnement-là nous fait hésiter entre le rire et les larmes, et finit par nous mener bien au-delà, au cœur d’enjeux réellement vitaux.

De leur côté, la scénographie et les lumières créent avec une grande intelligence des espaces différents par la simple suggestion. Les éléments sur le plateau sont toujours essentiels, jamais anecdotiques, et prennent toujours une valeur esthétique. C’est beau et aéré. Le seul bémol irait à la scène de la poupée brûle, pas vraiment convaincante, probablement pour des raisons techniques. Mais la dernière image, où Marie est seule au milieu de la mer sur un radeau, est tout simplement magnifique. Mettre la mer sur la scène du Lucernaire ? Eh bien, avec François Ha-van, c’est une simple évidence. Le sol noir, nu, une chaloupe minuscule au milieu du plateau, une légère pluie tombant sur Marie, et on ressent, plus que jamais, la solitude extrême de ce personnage. Son beau regard se pose sur nous, et, tandis que l’eau l’environne de partout, on pleure pour cette femme qui a gardé en elle, douloureusement, toutes les larmes qu’une petite-fille aurait bien voulu verser. 

Élise Noiraud

 

 

      

Céline Jorrion 

 

 

 

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